En ce moment sur Twitter circule le hashtag #safedanslarue, comme tous ces coups de gueule ça va retomber aussi vite que c’est monté en puissance MAIS ça a le mérite de nous faire (une fois de plus) poser de bonnes questions
Moi quand j’étais petite (lors de la rédaction des accords de Yalta) on m’a bien expliqué que j’étais une proie pour l’homme, que je ne devais pas accepter de bonbons dans la rue etc…
Il est 16h30, je rentre de l’école à pied et là un mec s’arrête en R5 demande son chemin, je baisse les yeux, il se branle. Comme je m’étais naturellement rapprochée pour entendre sa supplique, il m’a chopé une mèche de cheveux pour m’attirer à lui au même moment. Me demande pas comment j’ai fait mais « naturellement » je me suis reculée de toutes mes forces, j’ai jeté mon cartable Capitaine Flame et j’ai couru, j’ai battu Marie-josé Perec 2000 fois. Le mec n’est pas resté sur place, il a démarré sa voiture pour me suivre. Alors je suis rentrée dans la première maison que j’ai vue. La voiture est partie. Si la porte avait été fermée, si je n’avais pas reculé, couru? J’en sais rien, j’ai pas envie de savoir et toi non plus. Après ça, je ne suis plus rentrée de l’école à pieds pendant des années parce que mes parents ne voulaient pas. La punition, la sécurité? Tu l’interprètes comme tu veux. Mais dans cette petite bourgade safe de Savigny-sur-Orge, il y avait une Renaud5 bleue marine et je me suis faite engueulée parce que j’ai pas retenu la plaque d’immatriculation (mes parents c’est des cons, c’est une autre histoire).
Mon petit frère va à la piscine, un mec chelou le mate. Pas très à l’aise mon frère décide de sortir, il se dirige vers les vestiaire et le mec le suit. Il décide de ne pas se doucher et de se changer directement. Les mec va dans la cabine d’a côté, monte sur le banc et essaye de descendre dans la cabine de mon frangin qui sort à moitié habillé pour trouver quelqu’un en hurlant.
Voilà, un garçon, une fille deux possibilités.
Quand on était petits à la maison il y avait un double discours. Moi, je devais « faire attention ». Alors attention à quoi? Bah écoute j’en sais trop rien, à tout j’imagine. C’est bien parce que comme ça j’ai grandi dans la peur de tout, j’ai fait super attention, c’est limite un miracle si j’ai fini par perdre ma virginité. Mon frère lui, on lui a dit que si quelqu’un l’emmerdait, il devait « lui péter la gueule ». Oui. Moi je devais éviter la violence (en vivant dans une tour d’ivoire) lui il devait répondre à la violence par la violence dans le but se de protéger (et il était un peu obligé parce que c’est un garçon t’as vu)
J’ai grandi, ma mèche de cheveux à repoussé, j’ai déménagé sur Paris, j’ai pris le métro pour aller bosser, boire des coups, aller au cinéma et j’ai croisé plein de connards du même acabit que le monsieur si dessus. Mon frère à fait pareil que moi. Bah figure-toi que l’un de nous deux ne s’est pas chié dessus à chaque fois qu’il mettait le nez dehors (et que cette personne c’était pas moi).
Ce qu’il y a de bien dans la vie, c’est qu’à un moment donné t’écoutes plus tes parents qui se révèlent être en premier lieu des gros cons pour ne finalement être que des êtres humains, avec une pédagogie basée sur leurs propres éducations respectives (cette pédagogie date de l’époque où ma mémé vendait du beurre aux allemands). Donc que tu peux tout remettre en cause. Comme par exemple le fait que fille ou garçon, si on t’emmerde, tu avoines (ou tu coures, il n’y a pas de mal à ça). T’as deux bras, deux jambes, des doigts. Tu peux crever des yeux, tirer des cheveux mettre des coups de boule. T’es pas obligé(e) de partir battu(e) d’avance. C’est ça ta force.
Tu discutes 5 minutes avec tes potes burnés et t’apprends qu’eux aussi sont pas toujours super rassurés dans la rue, tard le soir. EH OUI. Juste, ça fait pas « viril » de le dire. Comme si c’était complètement inhumain d’avoir peur tu sais. C’est quoi cette société où t’as pas le droit de flipper à un contre un, un contre trois ou plus si t’es un mec? C’est quoi cette société qui a oublié de nous dire que techniquement on peut pas encore nous assurer une protection totale mais que dieu merci les mecs ont des couilles et on peut taper dedans (et qu’ils nous emmerdent hein, sinon ça n’a pas de sens)? C’est quoi cette société qui ignore qu’il y a des gangs de meufs que j’aimerais pas trop croiser j’avoue, même à midi (sans doute pas à Savigny-sur-orge, je te l’accorde)?
Il y aura toujours quelqu’un pour t’attraper par derrière et t’empêcher de bouger, mais si tu es persuadé(e) / intimement convaincu(e) que tu ne peux pas bouger, essaye quand même, ça ne coute rien. et puis crie aussi. j’entends des gens dire qu’ils n’ont même pas osé crier (des gens = moi aussi). Il est peut-être armé, il l’est peut-être pas. Fille ou garçon ça va pas changer grand chose.
Pour mémoire, en 585 un concile à décrété que nous les meufs nous avions une âme (merci, vous êtes trop bons Messeigneurs) depuis lors, on a apprit à conduire, on travaille, on vote, on tient la dragée haute dans pas mal de situations (alors que rappelons-le, on a été élevées comme des poupées Barbie). On nous les a pas donné ces droits, on les a acquis. En 585 je te raconte même pas comment tout ça était TRES MAL PARTI. alors je crois qu’on peut se dire qu’on ne sait pas si on peut venir à bout de la peur (qui, rappelons-le, est universelle), mais qu’on est complètement capables de montrer que nous ne sommes pas des cibles faciles.
Franchement tu me mets sur un ring, tu me donne pas beaucoup de crédit. Je compte pas le nombre de fois où je me suis faite avoinée, tripotée, molestée et où j’ai bien fermé ma gueule. J’ai peur d’environ tout dans la vie et j’ai quand même réussi une première fois à me défendre pour de vrai, à mettre un coup de boule (j’en ai mis plein d’autres de façons plus arbitraires par la suite mais c’est une autre histoire) après j’ai couru et puis j’ai pleuré. A chaque fois que j’entends une histoire d’agression dans mon entourage, que ce soit un mec ou une fille, c’est toujours pareil, l’agresseur a lu dans nos yeux qu’on était morts de trouille (à raison, ça fait peur) (on avait déjà peur de lui avant de se retourner) et que le pourcentage de chance pour qu’on tente un truc était quasi nul. Pour lui c’était parfait.
J’aurais pas spécialement aimé être un mec pour tout un tas de raisons plus ou moins objectives (j’aurais pas aimé courir avec les baloches qui se baladent dans mon calebut par exemple), par contre j’aurais bien aimé qu’on m’apprenne que mon corps à moi, j’en fais ce que je veux, que j’ai pas à « faire attention », que si on m’emmerde j’ai le droit de me défendre parce que je suis pas une putain de poupée en porcelaine bordel. J’aurais bien aimé l’apprendre de mes parents à l’âge ou tout ce qu’on te dit est évident plutôt qu’à l’âge adulte. Parce que vivre cloitrée c’est juste pas possible et c’est pas possible non plus de vivre dans un endroit parfaitement safe. C’est pas si facile de se dire qu’on est pas « forcément » faible, qu’on peut essayer d’avoir confiance en soi, que ça pourrait être un élément déterminant et dissuasif pour l’agresseur de le lire dans nos yeux quand nous on lit dans les siens qu’il n’a rien à perdre. C’est encore moins simple de se dire que t’es une nana, donc tu es plus « exposée ».
La prochaine fois que je me fait tripoter le cul dans le métro je jure sur la tête du chat que je vais hurler, je vais exceptionnellement pas fermer ma gueule en m’indignant plus tard, à l’abri des regards. ça va rien changer hein. Sauf que peut-être, si on décide de le faire toutes, les mecs perdront cette habitude, juste parce ouais, il y a un « risque » qu’on mette l’alarme en route, parce qu’on aura perdue l’habitude de râler plus tard, à l’abris des regards, comme si c’était honteux de se rebiffer.
Avec un peu de bol, on va finir par se retourner pour regarder la personne qui marche derrière nous quand on rentre, avec un peu de bol, cette personne continuera son chemin, avec un peu de bol, tout ça va devenir un vrai réflexe.
Alors oui, quand nous sommes dans la rue, seul(e)s, qu’on entend des pas derrière nous, ça pourrait tout aussi bien être toi le gentil, que l’autre le méchant, ou une meuf qui comme nous rentre chez elle. Mais ça pourrait tout aussi bien un gros connard de derrière les fagots, qui a envie de t’en coller une, de te piquer ton sac, de te mettre les genoux derrière les oreilles, de t’insulter (rayez la mention inutile). On ne peut pas savoir, mais on se souvient très bien qu’on doit « faire attention ». Et souvent on a tellement les jetons qu’on ose pas se retourner pour lire dans tes yeux que t’es parfaitement inoffensif. Garde-le juste en tête. Et pour cette histoire où tu dois changer de trottoir quand tu marches derrière moi, je sais pas trop. Si on est deux filles sur deux trottoirs différents tu vas devoir marcher sur chaussée, tu pourrais te faire écraser.
Sinon tu as l’angle de Emmytille
Histoire de dédramatiser et de casser un peu ce truc de la poupée Barbie.